Interview de Maxime Grégoire

Fondateur et CEO de Lucid Dreams Studio
Interview de Maxime Grégoire
déc 30, 2020

Durant l'événement du MégaMigs 2020, nous avons eu la chance de faire un interview de Maxime Grégoire, Fondateur et CEO de Lucid Dreams Studio.

Quel est ton parcours pour en arriver à Lucid Dreams Studio ?

Francis, le cofondateur, je le connais depuis 2002. On s’est rencontré à l’Université de Sherbrooke. On étudiait en physique à l'université, on s'est rendu compte qu'on ne voulait pas faire de la physique fondamentale, mais qu'on voulait faire des jeux vidéo. Donc, on a changé complètement et on s'est inscrit en génie informatique. On a travaillé ensemble pas mal tout le temps sauf au début, car c'était des équipes forcées. On aimait bien ça, on avait une passion pour les jeux vidéo et pendant le bac, on s'est dit qu'on aimerait vraiment ça faire des jeux vidéo pour notre propre compagnie.

Quand on a terminé en 2007, ce n’était pas comme aujourd'hui. Maintenant, on peut télécharger Unity et trouver plein de tutoriels sur YouTube. Il y a même des outils qui t'aident sans avoir à programmer, qui te permettent pratiquement de faire des jeux avec des buildings blocks. En 2007, ça n'existait pas, il y avait Unity mais ce n'était pas ce que c'est maintenant. Il fallait vraiment programmer nous-mêmes, partir notre propre engin, c'était très complexe. Donc on s'est dit qu'on allait travailler dans le AAA pour savoir comment faire des jeux et on s'était donné dix ans pour fonder notre studio.

On est partis chacun de notre bord et j'ai travaillé dans l'industrie pour Quazal, une compagnie qui a été achetée par Ubisoft. Après ça, j'ai travaillé chez Eidos-Montréal comme programmeur sur tout ce qui est services en ligne. J'avais accès à la PS4 avant qu'elle soit disponible, dans une salle hyper secrète. C'était assez spécial! Le but, en fin de compte, c'était de pouvoir faire de la programmation et des contacts avec les autres studios. Là j'ai pris de l'expérience, Francis est allé chez Ubisoft, EA Montréal, sur la côte Ouest chez Gas Powered Games, une compagnie qui a fait Age of Empire Online. Ça a été acheté chez Wargaming, puis il est revenu chez Ubisoft sur les FarCry.

Quand j'ai quitté Eidos, je savais comment faire du management de projets, mais je ne savais pas comment gérer une entreprise, donc je suis retourné aux études faire MBA afin de savoir comment marche les finances, le marketing, les RH. J'ai terminé mes études en décembre 2016 et à la fin janvier 2017 on a parti le studio. On a travaillé sur notre premier jeu Legends of Ethernal, c'est un jeu qu'on était capable de faire en petite équipe. Les actions/aventures games en 2D, c'est le genre de jeux qu'on aimait beaucoup quand nous étions plus jeunes. Il y a différentes raisons pour la 2D, dont monétaire, mais aussi ce sont des jeux qui vieillissent bien si on est capable de trouver un style esthétique qui est le fun sans aller dans le pixelart. Le back catalogue reste intéressant. Dans plusieurs années, le but c'est de peut-être faire une franchise avec Legends of Ethernal, donc quelqu'un pourrait rejouer au premier jeu. Il restera visuellement intéressant et les gens le savent, car c'est le premier sorti. C'est un choix et on s'aligne dans cette direction-là.

On a travaillé sur le premier, nous sommes allés le présenter au Migs, au E3 en 2019. Ça a été notre premier gros événement, c'était super. Après ça nous sommes allés à la Gamescom en Allemagne, au Tokyo Game Show puis Megamigs. Cette année, c'était plus relax, on a participé au Digital Dragons Indie Celebration, on a postulé et on a gagné pour faire partie de la sélection, donc on était vraiment contents, ça fait une belle exposition sur Steam. Entre-temps, on a signé avec Natsume. Depuis ce temps-là, il nous aide pour tout ce qui est commercialisé.

Peux-tu nous parler de Legends of Ethernal ?

On a décidé d'aller vers un jeu action/aventure 2D, vraiment côté fantastique, car c'est quelque chose qui nous intéressait. On ne voulait pas tomber dans des grosses affaires hyper magie et des trucs du genre. Ça reste un univers fantastique dans lequel on raconte l'histoire de Wilfred Vander Wiel, le fils d'une famille de pêcheurs qui mène une vie bien normale. C'est un jeune adolescent de 10/12 ans qui revient chez lui et sa maison est toute détruite, il panique un peu.

Il décide de partir à l'aventure, il se dit qu'il va essayer de se rendre au village le plus près chercher de l'aide. En voulant se rendre là-bas, il est impliqué dans des événements plus gros qu'attendu. Avec le jeu, dans cet univers là, on ne voulait pas raconter une histoire du bon versus méchant. Il y a plein de jeux qui le font très bien, même si c'est des classiques. On ne voulait pas raconter ça, on voulait mettre une twist intéressante dans l'histoire ou desfois ton personnage fait des choses qui sont bonnes pour lui, mais qu'on sait très bien qui sont mauvaises pour l'autre. Ça n'a pas vraiment le choix d'être fait, même si les autres sont pas nécessairement méchants. Ce qui est un peu pareil dans la vie. Bien souvent, le monde font des choses pas nécessairement parce qu'ils sont des gens fondamentalement mauvais ou méchants, mais des fois parce qu'ils sont contraints de faire un choix et ce choix là, malheureusement, ils doivent se prioriser et faire un choix pour eux qui désavantage certaines personnes.  On a vraiment cet aspect-là dans le jeu et ça nous amène une twist intéressante dans l'histoire. L'univers de l'histoire, c'est un univers fantastique avec différents types de créatures et différentes communautés. Chaque communauté a son propre système politique. Le jeu est très narratif, c'est vraiment une histoire qu'on veut raconter.

Enigme
Boss

Comment s'est passée la sortie du jeu ?

Sortir un jeu, c'est une montagne russe d'émotions. Parce que tu as des review "très bon", on en a eu des "super bon" des 90 et plus. Puis tu en as des mauvais review, le plus bas qu'on a eu c'est un 45. La personne détestait le jeu et n'aimait pas ce style de jeu là, c'est sûr que ça part pas bien. C'est une montagne russe d'émotions parce que tu es super content quand il y a des bons review, quand y'en a des mauvais tu te demandes pourquoi. Globalement, on est quand même satisfaits, les gens nous disent des super bons commentaires. C'est comme une critique d'un film, un média dira qu'il est pourri et un autre va dire que c'est un chef d'oeuvre. C'est pareil dans les jeux. Comme artisan, il faut apprendre à bien gérer ces choses-là.

Une des choses qu'on s'est rendue compte, c'est le niveau difficulté. Quand on a une petite équipe, c'est difficile de gager le niveau. On a 5 modes de difficulté dans le jeu, on voulait vraiment couvrir large. Du mode détendu au mode extrême qui est vraiment dur, mais il y en a qui adorent ça. Nous on le jouait souvent à normal, on avait de la difficulté, mais on était capables. À la sortie du jeu on s'est rendu compte que les gens qui l'essayaient à normale trouvaient ça trop difficile. Parce que nous on était habitués, on avait un bon challenge, mais en fin de compte le mode normal aurait dû être le mode difficile. C'est surtout ça les critiques qui sont sorties, mais en même temps tu joues Hollow Knight tu meurs souvent et le monde disent pas qu'il est vraiment dur. Je pense qu'à cause de l'esthétisme du jeu et à cause de ces affaires-là, ça a fait en sorte que c'est ressorti. C'est bien correct, on s'est reviré de bord et on a sorti une patch qui rebalance le jeu et maintenant quelqu'un qui joue à normal aura le jeu à normal. Déjà là l'expérience change beaucoup, les gens qui jouent à normal n'auront pas la frustration que quelqu'un qui joue à hard pourrait avoir. Si tu joues à normal théoriquement tu ne devrais pas avoir à mourir autant. On s'adapte et on a fait des fixes dont le mode détendu pour les gens qui veulent juste voir l'histoire, on a vraiment fait plein de changements pour s'adapter à ce niveau-là.

Êtes-vous à l'écoute de la communauté ?

Oui, c'est un jeu très linéaire, faire un jeu Early Access pour avoir du feed-back c'est particulier, parce qu'on spoil l'histoire après la sortie du jeu. À un moment donné c'est un choix qu'on a fait, mais on aurait dû avoir plus de feedback, avoir su un peu plus tôt que le jeu est vraiment dur en normale qu'on aurait dû le balancer. Mais maintenant on l'a, mais c'est post review, c'est pas la fin du monde, mais bon. Présentement il y a plusieurs reviewers qui sont en train de jouer avec la difficulté de la nouvelle patch. C'est le jour et la nuit, c'est plus adapté au style que tu choisis si tu choisis hard il reste dur, mais si tu joues facile ça va être facile. Chose qui n'était pas le cas avant.

Quels sont les difficultés et les défis que vous avez rencontrés dans le développement ?

C'est d'avoir à tout faire. Un des aspects manquant ça a été de ne pas avoir d'animateurs in house. On avait une super bonne animatrice, mais c'était un contrat. Donc, lorsqu'on voulait faire des retouches il fallait faire des demandes contractuelles. La personne pouvait les faire quand elle avait le temps. Maintenant, on a un animateur avec nous, c'est le jour et la nuit. On demande un changement, le changement est fait. C'est surtout une question de ressources. Sinon c'est de se faire connaître et de chercher de l'exposition, ça c'est une difficulté qui est encore là maintenant. Il y a beaucoup de studios indépendants qui ont ces difficultés-là et des événements comme mega-migs et la guilde aident beaucoup à ce niveau-là.

As-tu des conseils pour obtenir le trophée difficile ?

La difficulté principale, c'est que avec la patch de balance, le mode normal est rendu le mode hard et le mode hard est devenu le mode hardcore. Le mode hardcore avant était quasiment infaisable, il y avait du permadeath. C'était vraiment pour les gens hardcores. Les chasseurs de trophées et d'achievment ne seront jamais capables de le faire. On avait eu des critiques et des chasseurs nous ont contactés pour justement avoir des trucs. On a dit regarde, on va enlever la mort permanente et on va le rendre juste hard. C'est le mode hard qui est rendu hardcore. Quelqu'un qui joue en mode hard depuis la version 1.0 en fin de compte, quand il va jouer à la patch 1.1 ça va être le mode normal. Donc le mode hardcore va être le mode hard qu'il y a présentement. La raison principale pourquoi personne n'a eu le trophée, c'est que présentement dans patch 1.0 le mode hardcore est infaisable. Mais le moment où on va pousser la patch, moi-même je vais être le 1er à vouloir le trophée.

Donc tu n'as pas encore tous les trophées ?

Le mode Hardcore oublie ça, c'est vraiment difficile, il y a la permadeath. Quand tu tombes dans un trou, tu meurs, tu es mort pour toujours. Ça fait que le mode hardcore va être vraiment réalisable. Il y a plein de nos amis qui jouent en ce moment à hard, mais la version non patchée qui va devenir le mode hardcore. Il y a un bon challenge, je te le cache pas, mais c'est réalisable. Un bon exemple de ça, ceux qui jouent au hard sont morts souvent, mais souvent on met des save point proches pour que ce soit plus facile. C'est faisable, c'est pas des affaires comme Hollow Knight où il faut que tu marches quatre screens. On a mis des save point correctes, tu meurs et tu réessayes. Il est vraiment réalisable et ça va être un bon challenge, mais pas infaisable comme tu l'as sans la patch.

Des informations sur votre prochain projet ?

Le 2e projet, on augmente, nous sommes rendu une équipe de 6. Notre sixième employée a joint l'équipe la semaine passée (NDLR Fin novembre). Une level designeur, Hélène, nous en avions beaucoup besoin.

Est-ce que le prochain projet est la suite ?

On peut déjà dire que ce ne sera pas la suite. On a travaillé pendant presque 4 ans dans le monde de Legends of Ethernal. C'est un monde qu'on aime et cet univers-là vient d'une campagne de Donjon d'y il y a 20 ans. C'était intéressant, j'ai continué à faire évoluer au fil des années et je me suis dit que ça pourrait être une bonne base-line pour le jeu parce qu'il y avait de super twist intérésantes dans l'univers. Mais là, après 4 ans, on va prendre une petite pause, on va aller vers quelque chose d'un peu différent pour le prochain jeu. Il n’est pas annoncé encore donc je vais rester un peu plus discret par rapport à ça. On ne va pas retourner dans Legends of Ethernal pour le prochain, mais on va revenir dans cette franchise-là dans le futur, ce ne sera pas perdu. Le but c'est de faire d'autres jeux dans l'univers. À un moment donné, on beigne dedans et on a le goût de voir autre chose. Reste qu'on a vraiment aimé ça et il y a un beau potentiel qu'on peut faire dedans, c'est juste qu’on remet ça à plus tard.

Est-ce que le prochain jeu va être avec le même éditeur ?

On peut, mais souvent chaque deal est un deal, donc ça reste à voir, il y a plein de facteurs. Ça a super bien été de travailler avec eux, ils ont vraiment été super. Après, ça reste à voir, ce sont de longs projets de 2/3 ans donc il y a beaucoup de choses qui peuvent changer d'ici là.